Une véritable ségrégation par l'âge. Après avoir cotisé une vie entière, on refuse aux personnes âgées l'élémentaire solidarité à laquelle elles s'attendent quand elles en ont besoin.
Le projet gouvernemental dit « plan Solidarité Grand Age » prévoyait en 2006 d'augmenter significativement le nombre de soignants auprès des personnes âgées : passer d'un ratio de 0,57 pour 1 résident, tous personnels confondus, à 0,65 pour 1 résident. En outre, pour les personnes âgées les plus malades et les plus dépendantes, ce ratio devait être « augmenté à un professionnel pour un résident ». Cette dernière mesure devait s'entendre pour les « maisons de retraite qui accueillent les résidents les plus dépendants ». Ces objectifs sont bien loin d'être atteints. Pire, à partir des évaluations en cours, on assiste à des marchandages afin de diminuer les moyens alloués.
Un mot d'explication : PATHOS est un outil d'évaluation qui quantifie les maladies et les besoins de soins des patients en institution. Par un calcul savant désigné sous les vocables de « coupe PATHOS », les résultats conditionnent les moyens financiers alloués aux établissements pour personnes âgées. Cette pratique a bien des effets pervers. L'état de santé d'une personne âgée fragile est souvent fluctuant : la sous-évaluation des besoins est évidente si le risque de rechutes n'est pas pris en compte. Ensuite, seuls les actes techniques sont valorisés, comme dans la T2A (tarification à l'activité)qui finance les hôpitaux, avec le risque d'une fuite en avant vers la technique, pour faire du chiffre. Ainsi peut être oubliée une règle essentielle de l'éthique : le service rendu à la personne. Ceci pénalise les petits établissements situés en zone rurale, éloignés des plateaux techniques. Ils sont pourtant à taille humaine, à proximité des familles.
Enfin, par son mode de raisonnement, la mise en équation de la personne humaine et de sa souffrance, PATHOS met en péril l'humanisation de la fin de la vie. Si le principe de l'évaluation est intéressant, ce devrait être dans une optique de meilleurs soins apportés aux personnes et non de restrictions budgétaires. Or, pour couronner le tout, un changement des règles d'utilisation de PATHOS a récemment été effectué : n'apparaît plus ce qui est nécessaire aux résidents. Ce qui est désormais comptabilisé dans la réalité, ce sont les actes réalisés et non les besoins des personnes malades. Sera pris en compte simplement ce qui est fait, occultant ainsi tout ce qu'il faudrait faire mais qui n'est pas fait faute de moyens. Ces modifications ont été décidées de manière unilatérale, sans concertation et le plus souvent sans formation ni information des médecins coordonnateurs des établissements comme cela était prévu. Elles impliquent un effort de traçabilité consommateur de temps pour les équipes déjà surmenées. Les résultats de ces changements peuvent se chiffrer par une perte de dotation de plusieurs centaines d'euros par résident et par an. Ceci au nom d'économies drastiques et non de l'intérêt des personnes âgées dépendantes. En fait, il s'agit de faire avaler une baisse de moyens en la déguisant en ajustement technique.Par exemple, pour une institution dont la coupe PATHOS de 2009 objective une diminution de 15 points par rapport à celle de 2007, la baisse sera de 498 Euros de dotation annuelle par résident. Pour cent résidents, cela aboutit à une perte annuelle de 49 800 Euros, soit l'équivalent du coût salarial, charge comprises, d'une infirmière diplômée d'État. Aux dépens de qui (personnels), de quoi (matériel, prestations, alimentation, investissements) seront faites les économies ?
Nous apprenons aussi que certains réseaux de soins palliatifs à domicile voient leur budget réduit de 20 % alors que ce type de service est primordial pour le maintien à domicile ou en EHPAD (Établissement d'Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes).
Nous, médecins gériatres, parmi lesquels des coordonnateurs en EHPAD, nous élevons contre ces pratiques indignes, en particulier celle qui consiste à considérer comme normal ce qui est effectué en situation d'indigence alors que le processus d'évaluation devait permettre de financer ce qui devait être mis en œuvre. Et qui ne l'est pas !
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Docteur Bernard Pradines
Service de Soins de Longue Durée
Centre Hospitalier
81013 ALBI Cedex
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